

L'éternel
Tahar
Un jour
Le Rêve interdit
Liberté
Mère Africa
Pluie de la forêt
Déchirures
In Petto
Mes vingt ans
LE BERGER DES SIÈCLES
L'
É T E R N E L T A H A R

tasa turwed
asemid
ah a-win
iççan times
coeurs-pavillons
en
berne
neurasthénie
et comme
une désespérance pathologique
inoculable
d'un vulgum
pecus
la coeruleum
mare qui
s'assèche
un désert
abiotique
rampant
et comme
ce bourgeon turgescent
interstitiel
ce perce-pierre
lâchement
massacré
un matin
de printemps
qui
se fendille
et tous
nos rêves avec
qui désarment
foutant
le camp
et jamais
aussi frêles
qu'ils se
cognent
contre un
horizon muré
en
trompe-l'oeil
et jamais
aussi loin
qu'ils s'essoufflent
incertains
des lamentations
demain n'est
pas la veille
une haine
imbécile a eu raison de toi
pour régenter
le cours de l'Histoire
au
gré des Vents de l'Est
hâlant
les esprits
pour avoir
mis flamberge au Vent
avec ton
verbe hardi
pour avoir
régénéré le monde
et sublimé
une humanité liliale
Tahar on
t'a tiré dessus
alors que
tu voltigeais
dans les
airs
de la Paix
et de la Liberté
ils ont
tiré les gens de sac et de corde
sur les
genoux de la république
Poème paru aussi
à «El Vigía», Tenerife -Îles
Canaries (édition collective), avril 1995.
UN JOUR
*
puisse un
jour
de votre
sang refleurir l'espoir
en éclat
papillotant
de boutons
de soleils
comme par
un matin de printemps après les giboulées
et n'en
déplaise aux imbéciles
heureux
et couards
aux potiches
de tous bords
aux écervelés
aux boutefeux et leurs sbires
qui en seront
tarabustés
comme des
feux follets
à
force d'y avoir accroché leurs yeux hagards
"LA
FAMILLE QUI AVANCE"** avancera
les champs
en friche écobués emblavés
et frémissant
d'espoir longtemps frustré
éventé
par l'attente
la parole
pansée ailée voltigeant délirant
et les chaînes
sacrilèges du Passé
obsessionnel
le grillage
des horizons interdits
mouleront
la plaque de votre mémoire
alors les
enfants
redevenant
enfants
transfigurés
le cœur
dans le cœur
sur les
chemins de l'école
un rameau
d'olivier des héliotropes à la main
s'en iront
chantant
à
tout vent
vos rêves
enfarinés
et l'Algérie
se remettant
de sa fièvre
puerpérale
nous resserrera
contre son sein
tonique
nous épongeant
la glande lacrymale
débridée
et n'en
déplaise aux ultra-inspirés
de l'Import-Export
du Vent de l'Est
des lupanars
de l'histoire
nous viendrons
nous incliner devant votre mémoire
défonçant
les barreaux de la honte
et La Kahina
Dyhia sera
de retour
Antenéa
Tin-Hinan
que nos
mères nos sœurs nos amours c'est l'avenir
et les horizons
se dégageront s'ouvriront éclateront de
lumières
nous lâcherons
des pigeons
le monde
aura dit que vous aviez raison
un rameau
d'olivier des héliotropes à la main
nous nous
en irons chantant
à
tout vent
vos rêves
enfarinés
aussi long
soit le chemin
un jour
et ce jour viendra
il s'écrit
avec du sang
votre sang
notre sang
*
Poème publié dans plusieurs revues, notamment
par une association féminine de Montpellier,
mars 1997; La Toile des Poètes – « Libération »,
février 2001 ; « El Vigía »,
mai 2001.
**
Titre de la dernière et célèbre
chronique de Tahar DJAOUT (poète, écrivain
et journaliste algérien), "LA FAMILLE QUI
AVANCE ET LA FAMILLE QUI RECULE", parue dans son
journal "RUPTURES" la veille de son assassinat,
le 26 mai 1993.
LE RÊVE
INTERDIT*
un certain
jour
dans la
Cité
aux remparts
des rêves interdits
qu'on dût
réapprendre à se forcer à admirer
à
perte de vue
un incendie
du soleil
aux parfums
de fines fleurs
de l'Éternel
Renouveau qui tarde toujours à percer
et
brandissant
le flambeau d'une
liberté
liliale
on décida
de s'en aller chantant
-sur l'air
des lampions-
le long
des rues déshéritées
"bedd
ad twalid
ruh ad tawid
qim ulac"**
un pont
un pont
virtuel
un pan de
soi-même
qui remonte
au Déluge
comme remonterait
ce soleil
non mais
alors
c'est le
vent coulis il secoue il donne froid
un chant
qui sourd et monte dans le ciel
comme ce
soleil brisé qui se ramasse
pour un
pays à musique
que l'Avenir
se conjugue au Passé
il court
le monde
(et puis)
ça gonfle ça déborde -un fleuve
limoneux-
le peuple
longtemps adolescent ne mue pas
d'ailleurs
il n'avait jamais bêlé
il secoue
il donne froid il gonfle il déborde
les gènes
manipulés ne répondent plus
ils vibrent
aux roulements de tambours aux galops
de Jugurtha
des circoncellions
susurrés
par les Rumeurs du Temps
qui secouent
qui donnent froid
à
coups même de confettis
pourtant
il n'est
pas interdit de rêver
mais
comme nous
le savons
les vampires
sortent la nuit
avec les
larmes de crocodiles
* Poème publié
aussi à « Alger-Républicain »,
en mai 1990 ; « El Vigía »
(en espagnol), en mars 1995.
** En berbère: "debout,
tu verras (assisteras)
en
y allant, tu ramèneras
assis, rien".
LIBERTÉ
la nuit
le météore
ma raison
de vivre
la fille
que j'aime
qui m'aime
peut-être
ma mère
la fugue
le vide
mes vingt
ans
poèmes-vents
de mes voiles éthérées
de mes éjaculations
rédhibitoires
le goût
des vols
les grimoires
onctueux
et sanguinolents
des soi-disant
dieux
l'astre
du jour
éblouissant
de la clique
en tête
des lâchers
de pigeons
des-espérances
appeau des
chantres
d'un romantisme
révolu-tionnaire
un chambranle
suspendu
donnant
sur ces champs rétrospectifs
aux petits
sentiers ronceux
des grandes
solitudes
aux vestiges
désolants
des cénotaphes
fleuris de barbelés
des stèles
ensablées
des saignements
de la Mémoire
sifflotant
la Désillusion
des rêves
enterrés
éclaboussure
de l'histoire
sans cesse déflorée
de l'humanité
avec ma
plume cassée
je me recueille
et plante
une fleur
-que je
te sais-
aux pétales
immaculées
pour me
donner un sens
Poème
paru aussi dans plusieurs revues poétiques, notamment
« El Vigía » (édition
collective), avril 1996.
MÈRE
AFRICA
mère
Africa
où
est ta parure?
tu as le
sein nu et flétri
tu as le
corps exsangue
et les larmes
ravinent tes joues
oublier
pour un temps
c'est déjà
vivre un temps
j'ouvris
les persiennes
la nuit
est très avancée
pour moi
elle est d'encre
je me sens
les yeux battus
mais
le couchant
couleur
aurore
me hante
indéfiniment
je n'entends
plus le tam-tam?
où
sont tes enfants?
et
demain fera-t-il
jour?
un silence
(de) mort
le vent
se lève
non mère
Africa
tu n'es
pas un zoo
tu n'es
pas une vache à lait
tu n'es
pas un no man's land
une poubelle
tu es cette
aurore naissante
qui annonce
le jour
et
qui colore
le couchant
assez
suffit
tu as bu
le calice jusqu'à la lie
tes enfants
te vengeront
tu avorteras
ils ne tolèrent
plus les offenses
Poème
paru dans plusieurs revues et journaux, notamment à
« Algérie-Actualité »
(par Tahar Djaout), en juillet 1992 ; et « El
Vigía » en espagnol, mars 1995.
PLUIE
DE LA FORÊT
les pieds
lui brûlent
elle plie
bagage
elle embarque
elle s'enfuit
elle me
quitte
en sourdine
elle m'a
tout repris
elle jure
avec tout ce qui me reste
de plus
belle
sans aménité
elle ne
me reviendra jamais
elle veut
voir
la lumière
ailleurs
quelque
part
dans l'oubli
dans la
ronceraie des temps
elle a découvert
en moi
l'oubli
de soi
un né
d'hier
le visage
de bois
à
nous y entendre
comme à
ramer des choux
Poème
publié aussi dans la revue « Axiome »
(Association Culturelle « Soummam »),
en 1993.
DÉCHIRURES
le train
routinier
du temps
au temps
roule à
vive allure
siffle avant
de s'arrêter
la gare
en effervescence
y a du monde
qui descend
qui monte
qui se quitte
qui se rencontre
qui pleure
qui rit
puis siffle
avant de démarrer
le cœur
la gorge serrés
débordés de remords
les yeux
perlés de larmes
pétillent
de rage
un oiseau
deux oiseaux quatre moutons
en sortent
s'en échappent
repeuplant
les souvenirs innocemment tus
effluves
capiteux des renoncules de l'Enfance
un instant
des premières-dernières effusions
et on fait
la ronde quand même
un oiseau
deux oiseaux
on se jette
des fleurs
fanées
on jure
de ne pas s'oublier et tout le bazar
mais
à
peine le train s'éloigne
et les quais
désolants aussi
deux oiseaux
un oiseau un point dans le ciel
le ciel
on oublie
tout s'oublie
puis le
train reprend son allure
à
destination "Avenir-Incertain"
au pays
de l'oubli
plutôt
de l'habitude
il siffle
avant de s'arrêter
il siffle
avant de démarrer
Poème
publié aussi à « Algérie-Actualité »
(par Tahar Djaout), entre autres, en juillet 1992.
IN PETTO
écris-moi
et parle-moi
de toi
dis-moi
comment tu vas
après
tout ce temps-là
boulevard
des oubliés
au cœur
lardé
ou des chiens
fidèles
arrière-saison
une
île
ou tout
simplement l'annuaire
aux abonnés
absents
ô
ce que c'était fou
que d'avoir
le cœur
au regard
mouillé
où
on ne grandit jamais
très
loin
à
exhumer le mal de toi
ou encore
appliquer
ton oreille
contre ce coquillage
pour y entrevoir
nos lointains rivages
y entendre
les sifflements
d'un champ
de bataille
la complainte
d'un cœur strié
de bleus
pardon pardon
mais merde
la vie
Poème
paru aussi à « El Vigía »
(édition collective), avril 1996.
MES VINGT
ANS
mes vingt
ans
bribes de
souvenirs
lointains
rivages
de mirages
rêves
con-
à
n'en plus finir
amours déchirantes
poignantes
jeunesse
éphémère d'ivresse
cicatrices
et tatouages
feux d'artifice
de Bengale
soleils
brûlants
au supplice
de Tantale
poème-écharde
une aurore
boréale
un pays
nu un arc-en-ciel
un cimetière
des monticules
sans épitaphes
une fresque
coup de
maître
des traits
et une plaie
gouachée
un oiseau
deux oiseaux
migrateurs
il y a comme
des sentiers qui se perdent au loin
là-bas
dans le tourbillon de la mémoire
un musée en-toilé-e
puis un
horizon éblouissant
où
les papillons et les fleurs sont biffés
le poème
mutilé
sur une
page
toute blanche
colombe
vomi
en sourire-cicatrice
d'un enfant
d'une vénusté
d'une aube
de la vie
d'un jardin
d'agrément
d'une étoile
filante
en solitaire
dans la
nuit le silence de l'Univers
Éternité
ineffables
indélébiles
Poème
paru aussi dans plusieurs revues poétiques, notamment
« El Vigía » (édition
collective), avril 1996. Et dit également sur
les
ondes de la radio « Alger-Chaîne III »,
dans l’émission « Séquence »
(par Farid Mammeri), le 12 janvier 1992. |